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NIJNI-NOVGOROD

ils ont quelque chose à leur bec, un poisson, rose comme les eaux où ils sont allés le chercher. Le calme est parfait. L’Elbe est large. C’est le soir.

Nous sommes heureux d’avoir quitté l’effroyable chaos de négoce, de docks, d’usines, de ports, de bassins, de mâts et de vergues, de ballots, de marchandises, de charbon, de suie et de fumée qu’est Hambourg. Nous nous sentons soulagés de sortir de ce monde géant du commerce maritime, avec notre Versailles, coque perdue parmi les milliers de milliers de carènes. Il glisse maintenant, notre navire, entre les rives fleuries et déjà trop lointaines pour que la voix des hommes vienne à lui. Nous n’entendrons plus parler allemand, nous n’écouterons plus des hymnes que je vais vous dire.

Car il faut que vous sachiez le dernier salut qui nous fut fait ici. Nous sortions à peine du port qu’un petit steamer s’attacha à nous. Il venait de la rivet et nous voyions bien qu’il était chargé d’une foule grouillante. Quand il fut plus près, nous vîmes que c’étaient des enfants. Il y en avait bien là cinq cents, une faible partie de cette marmaille innombrable qui arrêtait nos pas à chaque instant dans les rues et dans les jardins de la ville et qui fait parfois songer que la population n’augmente guère en France. Quand le petit navire fut plus près encore et à la hauteur du drapeau français qui flottait sur notre arrière, les professeurs, debout sur la dunette, firent un signal que nous comprîmes bientôt. Dans l’air