Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
NOS BONS JURÉS

du défenseur. Le ministère public les tient sous sa domination. De son siège, il semble les présider ; il est si près d’eux que son geste pourrait les atteindre. Son regard les surveille et sa voix les réveille. Quand il frappe sur son pupitre, la commotion se propage dans leurs rangs et les épouvante. Cela ne lui suffit point et, dans les suspensions d’audience, au lieu de suivre directement les conseillers dans la chambre du conseil, il accompagne les jurés jusqu’à la porte de la salle des délibérations, leur demandant des nouvelles de leur santé et de leur état d’âme. Du moins, ceci arrive, et je sais un avocat général qui était coutumier de la chose. Je ne le nommerai point, mais je rappellerai qu’on disait de lui qu’il ressemblait à un merle dans un cerisier, à cause de sa barbe noire dans sa robe rouge.

L’avocat, lui, est gîté à l’autre bout de la salle. Il est obligé de crier beaucoup plus fort et il lui est plus difficile de créer cette sorte de courant hypnotique, qui vous rend maître des esprits et des cœurs. Autrefois, Lachaud n’avait cure de cet espace. Il le franchissait. Il quittait la barre avec des gestes furibonds et venait se planter sous le nez du jury qui ne bronchait plus. Le système lui réussit souvent. C’est depuis cette époque qu’à Paris, les avocats sont enfermés dans une sorte de « box » étroit et long, dont ils ne peuvent s’évader qu’avec de la gymnastique proscrite par le conseil de l’Ordre.

Mais ils ont d’autres moyens. En dehors des