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NOS BONS JURÉS

ne savent plus à qui ni à quoi entendre, et quand l’heure du verdict arrive, ils y vont au petit bonheur. Sont-ils responsables de ces mœurs ?

Qui ne se souvient de l’affaire de Nayves ? Elle nous retint quinze jours à Bourges, Nous nous partagions, jurés et journalistes, deux hôtels : l’hôtel Central et celui de Bourgogne. Les confrères du Central étaient pour l’acquittement, les chroniqueurs judiciaires de l’hôtel de Bourgogne affirmaient la culpabilité. Les jurés nous écoutaient et partageaient les opinions des deux camps. Seulement, la veille du verdict, les clients de l’hôtel Central invitèrent à une petite soirée ceux de l’hôtel de Bourgogne, et, à deux heures du matin, tout le monde était d’accord. On avait puisé les mômes arguments autour des mêmes bouteilles de champagne, ce qui, avec l’éloquence de Me Danet, ne pouvait manquer de faire sortir le marquis de Nayves du faux pas dont le petit Menaldo s’était rendu coupable du haut de la falaise de Sorrente !

La justice humaine n’est point parfaite. Elle ne saurait s’abstraire des contingences.