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SUR MON CHEMIN

leva. Je crus de mon devoir de lui demander d’une voix plaintive :

— Ne vous reverrai-je jamais ?

Elle fit un signe de la tête et, sous la table, me glissa un objet que je saisis avec avidité. Puis, elle disparut. Je considérai l’objet ; c’était une carte sur laquelle était tracé, à l’encre dorée, un nom de baptême.

Au-dessous une adresse ; et cette mention : « De midi à deux heures du matin. »

— Bigre ! m’écriai-je, mon inconnue a des loisirs. Son mari est sans doute en voyage !

J’étais rayonnant. Je sortis dans les couloirs, où une deuxième aventure m’attendait. Je ne vous la raconterai point, parce qu’elle est à peu près semblable à la première, avec cette différence que le domino était rose et que la carte que l’on me tendit à l’issue d’un fiévreux entretien était gravée. C’était encore un nom de baptême. Je ne connaissais point cette nouvelle mode de donner des rendez-vous, au bal de l’Opéra, et j’en marquai mon étonnement. On me répondit qu’elle tendait de plus en plus à se répandre et que « c’était plus commode. »

Après cette seconde aventure, j’en eus une troisième et, de frôlements en frôlements, j’allai ainsi jusqu’à dix cartes de visite. J’en conçus un vaste orgueil et je cherchai vainement à me rappeler pareil, succès féminins dans les jours les plus beaux de ma verte adolescence.

Jugeant alors que c’en était assez pour une fois