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SUR MON CHEMIN

lui que l’orgueil d’avoir été bâtonnier. Me Devin est un professeur de droit admirable. Me Tézenas et Me Chenu se sont tus. On les entendra. Ce sont des avocats classés et qui gagnent leurs procès. Mais ils ne sont point la Voix, celle qui devrait parler dans un procès de cette envergure. La Voix est absente. On l’aurait déjà entendue.

J’en ai cité quatre sur cinquante. Je pourrais en nommer cinq, car il en est deux ou trois encore que l’on connaît. Je ne le ferai point. Ne voulant être désagréable à personne, chacun pourra se dire ce cinquième-là. Les autres, néant. Le Palais de Justice lui-même est stupéfait de les voir là, et il explique cette aventure par la nécessité où les accusés se sont trouvés de prendre ce qui leur tombait sous la main, pendant les vacances.

Mais voyez-les. Leur vanité vous amusera. Ils traversent l’hémicycle avec ostentation, prennent des poses, se frisent les moustaches, se grattent, d’un air préoccupé, le cuir chevelu, rejettent avec décision, de droite ou de gauche, leur bonnet carré, entament entre eux des discussions qu’ils tranchent de l’index quand ils sont bien en vue, s’éventent de leur mouchoir, regardent les dames, se croisent les jambes, s’étendent négligemment sur les banquettes, se précipitent soudain sur leur dossier, feuillettent du papier, deviennent pensifs, posent leur crayon sur la langue, considèrent avec envie et terreur le confrère qui a osé aborder la tribune pour débiter cinquante lignes