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AVOCATS POLITIQUES

blaient. Nous avions l’air de ces vieillards de l’Illiade qui se réunissaient aux portes de Troie pour apprendre le bruit de la bataille et se raconter le combat de Patrocle et d’Hector. »

Pendant la Commune, Me Rousse voulut défendre Gustave Chaudey. Il se rendit, place Vendôme, à la délégation de la justice et demanda à être introduit auprès du citoyen Prolot. Il trouva dans le cabinet du ministre de la justice un long jeune homme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, mince, osseux, sans physionomie et sans barbe, sauf une ombre de moustache incolore, bottes molles, veston râpé et, sur la tête, un képi de garde national orné de trois galons. « J’étais devant le garde des sceaux de France », raconte Me Rousse, qui ne revint jamais d’un pareil accoutrement.

M. Bérenger, qui n’est pas garde des sceaux, se tient mieux que cela. Autre temps, autres mœurs ; et nous ne saurions vraiment demander à nos jeunes maîtres de lui en être reconnaissants.

Ainsi, à la voix de ces vieillards, évoquais-je le passé, quand le présent m’arracha soudain à mon rêve : c’était Me Hornbostel qui roulait, béat et satisfait, dans l’hémicycle. Au-dessus de lui, derrière le président, Malesherbes, défenseur du Roy, lui tendait les bras d’un geste vieux bientôt de deux mille ans, et il semblait dire ; « Laissez, laissez venir à moi le petit enfant ! »