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SUR MON CHEMIN

Oh ! ce couple étendu sur la route, dans l’aube terne, froide et désolée du matin tragique ! Elle, avec son calme suprême et des précautions infinies, dépose sur son genou et tient, enfermée dans ses mains, la tête adorée de l’époux. Elle lui parle doucement et très bas, et lui dit des choses qui font monter vers elle son regard plein de la langueur de la mort. Et lui aussi parle, plus bas qu’elle encore, et leur conversation n’est qu’un souffle, une chose qui expire… On ne les entend pas, on voit seulement leurs lèvres remuer, comme dans les muettes prières. J’assiste à ceci, le front découvert, et mon émotion est sans bornes, mes larmes coulent, car cet homme, que ses ennemis mêmes devraient admirer pour la puissance souveraine de sa conviction, la haute envolée de son éloquence et la beauté de son âme, je suis son ami.

Que se disent-ils ? Que se disent-ils ? Labori parle beaucoup maintenant et vite ; et il semble que les minutes ont acquis pour lui un prix inestimable… Elle écoute religieusement, les lèvres closes avec force et volonté, fermées sur le désespoir qui l’étouffe. Elle contemple cette pauvre figure de martyr et s’efforce visiblement de lui demander le secret de la minute qui va suivre…

Mon Dieu ! comme le voilà roulé dans la poussière du chemin… Le sang coule toujours de sa main gauche… Il se sera fait une nouvelle blessure en tombant… Son grand corps halète, sa