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POUR LES GRINCHUS

sieurs, je suis boulevardier. Je veux dire par là que tous les jours, à six heures, je quitte mes occupations et ma femme pour venir à la terrasse d’un café fréquenté par les poètes, les journalistes et les habitués des premières ; et là, tranquillement, je savoure mon absinthe au sucre et la joie d’être boulevardier. Hélas ! ce bonheur ne m’est plus permis. Le boulevard est devenu une cohue sans nom, et l’on verra de tout aux terrasses du boulevard, durant cette Exposition, excepté des boulevardiers. »

Un troisième grinchu raconta qu’il était arrivé trop tard pour un riche mariage, à cause des encombrements de la voie publique ; un quatrième qu’il n’avait pu trouver d’ouvriers pour l’agrandissement de son arrière-boutique, ce qui lui occasionnait le plus grave préjudice ; un autre développa le thème connu de la difficulté des communications et des prétentions des cochers de fiacre ; mais ceux qui montrèrent le plus d’amertume furent, sans conteste, l’artiste peintre, le vieux Duvalier et l’artiste dramatique.

Voici ce que disait l’artiste peintre : « — Messieurs, c’est la première fois que je suis reçu au Salon ; jamais, jusqu’à ce jour, les foules n’avaient été appelées à contempler l’une de mes œuvres. Contre toute attente, je trouve cette année un jury intelligent qui suspend à la cimaise mon « Hercule aux pieds d’Omphale ». Cette vaste toile, aussi étrange qu’originale, était destinée à ameuter le public et à faire hurler les