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SUR MON CHEMIN

du monde, avec des paroles heureuses, qui vous valurent les applaudissements des hommes et les larmes de quelques mères, monsieur Leygues. Je les ai vues couler. Mais il y a beau temps que je n’écoute plus les paroles officielles… Des rires et des pépiements par milliers montent et fuient dans les airs, traversent notre mur de feuillages, nous créent la sensation d’une bande innombrable de pierrots qui se seraient soudain abattus au-dessus de nos têtes, dans l’ombre des grosses branches des marronniers qui nous cachent l’azur intense du ciel… D’un bouquet d’arbres, à notre droite, une harmonie nous vient, une harmonie de flûtes et de hautbois… C’est quelque « marche grecque », quelque « cortège de Bacchus » qui voudrait peut-être nous donner l’illusion d’une cérémonie antique, d’un rite hellène, dans ce cadre, en face de ses sous-bois où se dresse, sur un piédestal dont le décor de guirlandes dorées fait un autel païen, la divinité nouvelle, la République laurée dont la tête s’amincit, pour cette fois, en un ovale digne de Pallas athéné.

Mais non ! et c’est ma joie ? Pas de cabotinisme, pas de costumes de tréteaux, pas de ces singeries qu’aimèrent nos pères, aux heures les plus graves et les plus sanglantes, pas de jeunes vierges vêtues du péplum, comme aux temps d’Olympie et de Thermidor, ou comme les sculpta Phidias à la frise d’Ictinos. Pas de grandes Panathénées dix-neuvième siècle après Jésus-Christ. Et c’est très bien, cela, que des hommes comme M. Lucipia, qui ne