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DERRIÈRE LE RIDEAU

Becque, et Victor de Cottens qui a hérité du ruban du prince de Sagan. À quelques fauteuils de là, Gavault qui se tire une moustache qui ne veut pas venir ; son secrétaire tait la même chose que lui… Voilà Schneider puis le beau Lionel ; il le sait bien, allez ! qu’il ressemble à Plonplon ; tous les calembours de Schneider ne feront pas qu’il l’oublie. Damoy ! le fier tragédien ! qui a tant crié dans Annabella. Il a bien maigri depuis. Ma parole, voilà Robert Gangnat, qu’on aime… quand on le connaît.

Mais, derrière moi, j’entends des cris, des sanglots. C’est la femme du directeur qui reproche à mon ami « de les avoir ruinés ». Mon ami répond : « Je vous attendais, madame. »

Je ne saurais vous dire par quel miracle la pièce, qui était tombée à plat au premier acte, s’est soudain relevée, pour un triomphe définitif, au second. À l’entr’acte, je me précipitai sur la scène et retrouvai l’auteur au trou du rideau.

— Ah ! ces salles de première, disait il, on est quelquefois injuste envers elles. On a grand tort. La pensée que nous allons avoir à séduire les plus beaux esprits de la capitale, et aussi les plus blasés, fait que nous nous astreignons à un effort fécond. Si ce public n’existait point, nous ne résisterions pas au désir de flatter les passions vulgaires de la multitude, et le niveau de l’art baisserait tous les jours.