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SUR MON CHEMIN

Il me laissait à choisir entre le maître et son secrétaire.

Le moment était venu de m’expliquer. Je n’y manquai point.

— Monsieur, je viens de loin ; j’ai traversé la France, les mers et l’Angleterre, tout cela par un temps de chien, porteur d’une lettre dans laquelle j’ai fait une dépense de style incroyable ; vous ne pensez pourtant point que j’ai accompli cette besogne exceptionnelle pour le secrétaire de Mr Chamb’l’in ? Non, non ? C’est à Mr Chamb’l’in lui-même que cette lettre doit être remise.

Comme mon homme ne savait pas le français, ce n’est pas en français que je lui tins ce langage, mais je le lui fis entendre avec deux mots d’anglais bien sentis et quelques gestes, comme, par exemple : « Not secretary ! but Mr Chamb’l’in ! », accompagnés de mouvements de mains qui signifiaient tout le reste !

Cela lui suffit amplement ; il me dit de le suivre, me fit traverser un vestibule garni, naturellement, de panoplies, un grand salon assez banal plein de meubles et de divans à la turque faisant le tour d’un grand feu, et nous nous arrêtâmes dans un bureau. Là, cet homme me montra le plafond et me dit :

Mr Chamb’l’in is in his bed !

Le ministre était dans son lit ! Et il était dix