Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/29

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biens, j’ai conservé, moi, ma trousse et mes pinces hémostatiques. Voici ce que je vous propose : il est inutile que l’un de nous courre le risque d’être mangé tout entier. Tirons au sort, d’abord un bras ou une jambe à volonté !… et puis on verra demain comment le jour est fait et si une voile ne se montre pas à l’horizon… »

À cet endroit du récit du capitaine Michel, les quatre vieux loups de mer, qui jusqu’alors ne l’avaient pas interrompu, s’écrièrent :

— Bravo !… Bravo !…

— Quoi, bravo ? interrogea Michel, le sourcil froncé…

— Eh bien, oui bravo !… Elle est très drôle ton histoire… Ils vont se couper les bras et les jambes à tour de rôle… c’est très drôle !… mais ce n’est pas épouvantable du tout !…

— Vraiment, vous trouvez ça drôle ! grogna le capitaine, dont tous les crins se dressèrent. Eh bien, je vous jure que si vous aviez entendu cette histoire-là racontée au milieu de tous ces culs-de-jatte dont les yeux brillaient comme des charbons ardents, vous l’auriez trouvée moins drôle !… Et si vous aviez vu comme ils se trémoussaient sur leurs chaises !… Et comme nerveusement ils se serraient, à travers la table, les crochets