Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/196

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C’est une idée analogue à celle de M. de Laveleye pour le rachat de la propriété rurale. Le plan de M. Wagner serait, à nos yeux, moins injustifiable que celui de M. de Laveleye ; parce que la part de la rente de la terre dans le loyer des maisons est infiniment plus forte que la part de la rente de la terre (déduction faite de l’intérêt des capitaux engagés) dans le produit brut du sol. La propriété urbaine est une cause beaucoup plus intense d’inégalité de richesses que la propriété rurale.

Sans aller aussi loin que M. Wagner, un journal anglais, qui défend en général les doctrines scientifiques les plus orthodoxes, l’Economist (de Londres) émettait en 1879 cette idée que l’État ou les villes devraient construire des maisons pour les louer aux artisans, aux ouvriers, des refuges pour la nuit, et qu’à ce prix seulement on pourrait obtenir la paix sociale. On allègue, à l’appui de cette opinion, un précédent, celui de la subvention accordée par le second empire à la Société des cités ouvrières de Mulhouse.

Le plan du docteur Wagner ne nous offre aucune séduction. Ce n’est pas qu’en soi-même il soit directement opposé aux principes de la science. L’État a le droit d’expropriation dans l’intérêt public or, s’il était prouvé que sans aucune espèce de travail de leur part, les revenus des propriétaires urbains augmentent sans cesse, l’État pourrait se substituer à eux en leur accordant une juste indemnité préalable, calculée sur le revenu actuel et sur les chances d’augmentation prochaine, et il bénéficierait lui-même, c’est-à-dire que par des remises d’impôts il ferait bénéficier la société de toutes les plus-values ultérieures. Mais d’abord on peut alléguer que la plus-value des immeubles urbains est moins constante et moins régulière qu’on ne l’annonce on peut même affirmer que cette plus-value ininterrompue et rapide tient à certaines circonstances exceptionnelles qu’il serait aisé de modifier ou de supprimer. Enfin on doit ajouter qu’il n’est pas désirable de voir l’État et les municipalités se transformer en de gigantesques sociétés immobilières. Bien des déceptions les attendraient, sans doute, dans ce rôle nouveau.