Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/258

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été plus élevé dans une période de calme que de 1850 à 1865 — ce n’est pas seulement que la demande des capitaux était énorme. La fameuse loi de l’offre et de la demande est, nous l’avons dit, une explication superficielle et insuffisante. C’est que le génie humain ou le hasard des découvertes avait subitement livré aux capitaux un domaine tout nouveau et extraordinairement fertile. Les emprunteurs payaient cher non seulement parce qu’ils étaient nombreux et se disputaient cet instrument, le capital, mais parce que les emprunteurs pouvaient alors faire un merveilleux usage de leurs emprunts, parce que cet instrument toujours précieux, mais inégalement précieux, le capital, rendait alors plus de services sociaux, accomplissait plus de transformations heureuses que jamais auparavant et jamais depuis. Une somme quelconque, cent mille francs, un million, avait dans cette période une vertu reproductive infiniment plus grande que quelques années auparavant ou que quelques années plus tard.

Pourquoi les capitaux étaient-ils alors si rémunérateurs et le sont-ils moins aujourd’hui ? C’est que tout était à faire dans un monde rajeuni par la science les inventions de l’esprit humain, il fallait, au moyen du capital et du travail, en faire bénéficier le monde, et les bénéfices étaient énormes. Chemins de fer, entreprises de gaz, d’eaux, de transport en commun dans les villes, toutes ces causes abaissaient considérablement le prix de certains services celui des transports diminuait des deux tiers, des trois quarts, parfois de plus, pour les marchandises. Il en résultait qu’en faisant de très grands avantages au public, les entrepreneurs de ces progrès pouvaient se très largement rémunérer eux-mêmes, et sur cette rémunération accrue prélever un fort intérêt pour les simples capitalistes.

Voilà la première cause, celle-là très bienfaisante, qui à certaines époques de l’histoire arrête la chute du taux de l’intérêt ou même le relève dans des proportions considérables ; c’est l’accroissement de la productivité des nouveaux capitaux, par suite de certaines découvertes exceptionnelles et d’une application générale.