Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Selon Adam Smith, la plus grande partie de l’école anglaise et Roscher, la baisse du taux de l’intérêt, au delà du moins de certaines limites, conduirait à l’état stationnaire, au ralentissement de l’activité individuelle et sociale, à une dépression des classes moyennes, à la réduction générale de la vitalité économique, au ralentissement de l’épargne, à l’augmentation des consommations de luxe, à l’accroissement des dépenses de l’État.

De ces deux points de vue lequel est le plus juste ? Nous ne craignons pas de dire, sous certaines réserves, que c’est le dernier. La belle comparaison de Turgot fait plus d’honneur à son imagination qu’à son jugement ; elle a le tort de la plupart des images, elle ne reproduit que très imparfaitement la réalité. Il y aurait, sans doute, un peu d’exagération en même temps que de l’irrévérence à dire que la description faite par Turgot des heureux effets de la baisse du taux de l’intérêt ne contienne aucune parcelle de vérité, mais elle en renferme une bien faible, et une beaucoup plus forte part d’erreur.

Il est manifeste que Turgot a confondu l’effet avec la cause, ou que, du moins, parmi les trois principales causes de la baisse du taux de l’intérêt, il n’a entrevu que les deux bienfaisantes, et il a négligé, il n’a pas découvert la troisième qui est essentiellement malfaisante. Si le taux de l’intérêt baisse, ce n’est pas seulement que les capitaux deviennent de plus en plus abondants et que la sécurité des transactions augmente, c’est que les emplois productifs se font de plus en plus rares, c’est que la nature, après avoir subi certaines transformations, est de plus en plus rebelle à en supporter d’autres, c’est que, au delà d’une certaine limite, le surcroît de travail et le surcroît de capital deviennent moins féconds. C’est cette vérité capitale qu’a ignorée Turgot, il lui était permis de l’ignorer ; vivant dans un monde où il y avait tant à faire, avant le prodigieux renouvellement et rajeunissement de la production, il pouvait croire que l’emploi utile des capitaux était indéfini. Nous ne pouvons, quant à nous, entretenir la même pensée.

Certes, jamais il ne manquera de grandes et d’utiles entre-