Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/297

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Le cours de cet ouvrage nous amène à la partie la plus active de la société : les entrepreneurs d’industrie ou de commerce et les salariés ou ouvriers. Jadis, ces deux catégories n’étaient pas aussi complètement distinctes qu’elles le sont de nos jours. C’est une juste remarque de Roscher que la civilisation a tranché de plus en plus les occupations des hommes, et de plus en plus séparé les divers facteurs de la production. Les petits métiers où la qualité de patron et celle d’ouvrier étaient souvent confondues dans la même personne disparaissent de plus en plus. La transformation des moyens de production, de circulation et d’échange, a supprimé presque complètement le petit cordonnier, le petit tailleur, le porteur d’eau, le chiffonnier, de même qu’elle s’attaque maintenant aux petits commerçants. Tous ces entrepreneurs primitifs, jouissant de l’indépendance, exerçant à leurs frais, sous leur propre responsabilité, avec leurs minimes capitaux, la profession de négociant ou de fabricant, appartiennent à une période de l’histoire qui n’est plus la nôtre.

Stuart Mill a cru découvrir une tendance de la société à diminuer de plus en plus les rapports de maître à serviteur, de patron à salarié ; un chapitre de son traité d’économie politique est consacré à cette prétendue loi, dont il ne fournit pas d’ailleurs la démonstration.

L’observation de Stuart Mill est vraie pour le premier membre de sa proposition, fausse ou du moins très prématurée pour le second. Les rapports de maître à serviteur deviennent, en effet, moins fréquents. La tendance à une moindre inégalité des fortunes, les habitudes démocratiques, l’éloignement de la classe populaire pour les fonctions de domestique, le train de vie plus bourgeois, plus restreint, même au milieu du plus grand luxe, ont singulièrement diminué nombre des serviteurs permanents. Autrefois tout homme riche en avait autour de soi une légion et en faisait parade on cherche aujourd’hui à en avoir le moins possible. La taxe sur les domestiques mâles n’a constaté en 1876, dans la Grande-Bretagne (non compris l’Irlande), que 223,143 sujets : c’est