Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/325

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s’ils font une œuvre sérieuse quelconque pour autrui ou pour eux-mêmes, ils pillent le gouvernement. Ces associations coopératives ne paient pas d’impôts sur le revenu, et les petits marchands en acquittent un. Quand ces sociétés auront par leur concurrence abusive tué le commerce de détail, elles relèveront leurs prix, créeront de gigantesques monopoles et juguleront le consommateur.

Singulières raisons ! Le fonctionnaire ou l’employé du gouvernement serait le serf du gouvernement qui l’emploie et ne pourrait faire de ses heures libres l’usage qui lui plaît ! L’impôt sur le revenu, si léger d’ailleurs, en Angleterre, puisqu’il n’y est que de 2 ou 3 p. 100, devrait frapper même les associations qui ne réalisent pas de revenu ! cet argument est moins étrange que le précédent la conclusion qu’on en devrait tirer, c’est que notre impôt des patentes, avec toutes ses complications vaut encore mieux peut-être que l’impôt sur le revenu. Quant à la constitution de monopoles gigantesques qui relèveraient les prix après avoir tué la concurrence des petits marchands, l’idée nous en paraît absurde dans un pays où règne la liberté du commerce et où les capitaux sont abondants. Il y aura, toujours assez, de petits magasins ; c’est une chimère de penser que tous disparaîtront. Il serait toujours facile de créer de grands magasins nouveaux si les anciens abusaient de leur situation. Qu’on voie ce qui se passe pour les câbles transatlantiques entre l’Europe et l’Amérique on compte quatre ou cinq compagnies qui cherchent à s’entendre entre elles, mais tous les deux ou trois ans il s’en crée une nouvelle qui contraint les autres à un abaissement de tarif. Il est bien plus aisé de fonder un magasin de vente au détail que d’établir un nouveau câble sous-marin il faut moins de temps et moins de capitaux. Le relèvement des prix, de la part des grands magasins après la disparition des petites boutiques n’est donc pas à craindre. La concurrence la plus efficace, ce n’est pas tant la concurrence actuelle que la concurrence éventuelle. L’action préventive est ici très-forte.

Cette concentration du commerce de détail offre beaucoup