Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/452

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ou quarante ans : la viande est dans ce cas, mais non pas le pain ; or, il ne faut pas oublier qu’autrefois les ouvriers ne mangeaient jamais de viande et qu’aujourd’hui encore le pain forme 40 p. 100 du prix de la nourriture pour les familles ouvrières inférieures et 25 à 30 p. 400 pour les familles ouvrières supérieures. Quant à l’accroissement du prix du loyer, il est compensé par la diminution du prix du vêtement. Le criterium de l’élévation du coût de la vie n’est pas le même pour les familles bourgeoises et pour les familles ouvrières.

La grande hausse des salaires au dix-huitième siècle est un fait constant qui n’a échappé à aucun observateur perspicace. Nul ne l’était plus qu’Adam Smith et n’apportait autant de discernement à distinguer le salaire réel du salaire apparent. D’après lui, de la fin du dix-septième siècle à la fin du dix-huitième, les salaires avaient presque doublé, le prix du blé et par conséquent du pain baissant dans la même période. Au dix-neuvième siècle, la hausse du prix de la main d’œuvre en Angleterre n’est pas moins sensible, mais elle procède d’une manière irrégulière, par des bonds énormes, suivis souvent de légers reculs. Les grèves, les Trades Unions, les Lock-out en sont la cause. L’élévation des salaires représente en Angleterre depuis une trentaine d’années une ligne brisée qui, néanmoins, dans l’ensemble suit une direction très-nette, chaque recul étant fort inférieur au progrès précédent. De 1839 à 1889 les salaires dans l’industrie britannique ont haussé d’environ 20 p. 100 ; on admet — il y a là sans doute quelque exagération — que de 1859 à 1875 ils se sont élevés encore de 60 à 70 p. 100. Depuis lors, ils ont rétrogradé dans une certaine mesure. L’instabilité des salaires est, tout aussi bien que leur tendance à la hausse, le trait caractéristique de cette période. À une augmentation de 60 à 70 p. 100 succède, à partir de 1876, une baisse de 10 à 20 ou 25 p. 100. L’accroissement total depuis le commencement du siècle et depuis 1830 reste énorme : si la viande coûte plus cher et le logement aussi, le pain est à meilleur marché, le sucre également et beaucoup d’autres denrées, plus encore le vêtement, le mobilier, les objets