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CHAPITRE XVIII

DE L’AUGMENTATION INCESSANTE DE LA RICHESSE COMMUNE ET INDIVISE.


Les deux phénomènes simultanés qui se produisent dans la société : appropriation de plus en plus complète des forces naturelles ; reconstitution d’un patrimoine commun, d’une richesse sociale dont l’humanité a la jouissance collective et gratuite. — Importance croissante du domaine public. — Les diverses branches de ce domaine. — Le domaine public monumental : son accroissement. — Le domaine municipal dont le public à la jouissance gratuite. Comparaison de la situation de l’homme avant l’établissement de la propriété privée avec la situation de l’homme moderne. — En quoi la perte des quatre droits primitifs de chasse, de pêche, de cueillette et de pâture, est amplement compensée. — Comment la situation même de l’homme le plus dénué est moins précaire dans nos sociétés civilisées que dans les sociétés primitives.


Il se produit dans la société deux phénomènes contraires : l’un frappe les yeux de tous, n’échappe à la connaissance et à l’attention de personne ; l’autre reste presque inaperçu ; en le signalant, on dirait que l’on fait une révélation. Ces deux phénomènes les voici : le premier qui est très ancien, c’est l’appropriation du sol et de la plupart des forces naturelles qui sont localisées. La terre, les chutes d’eau, les dépôts de houille, le vent, le bon air même sont tombés en grande partie sous le régime de la propriété privée. Voilà le phénomène universellement connu les uns s’en félicitent, considérant que toutes ces forces naturelles sont ainsi beaucoup mieux exploitées à la fois et mieux ménagées, que le genre humain en retire ainsi toute l’utilité qu’elles sont susceptibles de donner. D’autres en gémissent, déplorant l’aliénation de l’antique patrimoine commun de l’humanité : ils prétendent que le pauvre est, pour ainsi dire, mis en dehors de la nature ; il ne trouve pas de sol qu’il puisse labourer, pas de forêt où il puisse chasser, pas de ruisseau où