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Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/6

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Bout-du-Monde, admirable promenade, dont je reconnais les arbres séculaires. Voici le chemin que ma mère remontait péniblement en m’ayant sur son bras, que je ne voulais pas quitter ! Puis les prairies, la chaussée, les moulins ! La Grande-Rue a peu changé, voilà la maison où je suis née, les fenêtres, les marches précèdent la porte. Tout cela me remue le cœur et me fait verser des larmes ! Non loin de là, la rue du Musée, il se trouve fermé ; il y a vingt ans, je passai de bonnes heures à la Bibliothèque. Je suis entrée à Saint-Jean, où j’ai été baptisée ; voilà près des arbres le buisson d’où je crus entendre dans mon enfance sortir une voix mystérieuse ; puis l’esplanade de Saint-Just, où je croyais voir, à travers les vitraux brisés de la chapelle, apparaître des âmes revêtues de formes impalpables. J’ai retrouvé à Saint-Remi l’aigle en bois, dont l’aspect me surprit tant lorsque ma mère me conduisit entendre un Te Deum, célébré pour une des victoires de Napoléon. Mon aïeul fut enterré à Saint-Remi. Que sont devenues les compagnes de mon enfance ? Une seule existe ! Que de visages repeuplent pour moi la maison natale : c’est ma fidèle Modeste, dont la belle voix calmait seule mes cris, et qui, après avoir chanté sur la place publique, est allée mourir en Russie. C’est la petite naine qui, assise sous la table, chantait avec une grosse voix. C’est la joyeuse figure de l’esculape, mon parrain ; puis ma marraine, vieille fille absorbée dans les combinaisons de son tricot. Son frère, bon abbé, dont la spirituelle laideur révélait l’intelligence ; philosophe chrétien, ses goûts mélomanes l’avaient lié avec mon père qui les partageait !

Voici encore la figure du vieux médecin, les cheveux poudrés, coiffé d’un chapeau à cornes, vêtu de noir, vrai type de docteur du temps de Molière, et dont je retrouve le nom parmi ceux des députés du Tiers-État, en 92 ; alors Château-Gontier faisait partie de l’Anjou. Parmi les