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Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/64

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On était alors à la fin de l’été, et le mariage ne devait être célébré qu’en automne, à cause du temps nécessaire à l’arrivée des papiers que Donatien attendait des Colonies.

Ce délai fut fatal au bonheur des deux amants. Involontairement, Rose sentit renaître ses doutes et ses incertitudes, malgré tous ses efforts, Donatien s’en aperçut et en devint profondément malheureux. Il résulta de cet état d’incertitude d’un côté et de défiance de l’autre, une contrainte qui rendit leur position insupportable. L’amour vit surtout de confiance et le premier doute, semblable à la piqûre d’un insecte au sein d’une belle fleur lui porte une atteinte mortelle.

Désirant à tout prix sortir de cette position, Donatien dit un soir à Rose :

« C’est en vain que votre cœur généreux cherche à me dérober les incertitudes du vôtre, je les ai devinées, car je vous aime trop pour qu’il vous soit possible de me cacher une seule de vos pensées. Je ne puis être plus longtemps témoin des agitations de votre âme, je m’éloignerai pendant un mois, j’irai parcourir les grèves sauvages de l’Océan, et vous, ma chère Rose, plus calme loin de moi, vous jugerez si, après cette épreuve, vous devez me rappeler ou si je dois dire un éternel adieu au bonheur, et quitter à jamais l’Europe pour aller chercher en Australie une tombe, au désert, obscure et ignorée.

— Ainsi, cet adieu pourrait être éternel ? je n’y consentirai jamais, s’écria Rose en pleurant.

— Non, je l’espère, reprit Donatien, rassurez-vous, ma chère Rose, puisqu’il dépendra de vous que cette séparation soit passagère, et que jamais le mot d’absence éternelle ne soit prononcé entre nous. »

Rose garda le silence, car elle sentait la nécessité de cette épreuve, non pour elle, car elle ne devait rien changer à ses sentiments, innocent ou coupable, elle sentait que rien au monde ne pourrait la détacher de Dona-