Page:Les Écrits nouveaux, 1922, tome 9, numéro 2.djvu/23

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ment vers l’école. L’air était impitoyablement cru, et déjà mon cœur faiblissait.

Quand je rentrai pour dîner, mon oncle était encore sorti. Mais il était de bonne heure. Je m’assis et fixai quelque temps la pendule, puis, son tic tac finissant par m’irriter, je quittai la chambre. Je remontai l’escalier et gagnai la partie supérieure de la maison. Les chambres hautes, froides, vides et sombres, libérèrent mon âme, et j’allai de pièce en pièce en chantant. De la fenêtre donnant sur la rue, je vis mes compagnons qui jouaient. Leurs cris parvenaient, affaiblis et confus ; appuyant mon front sur la vitre froide, je regardai en face la maison qu’elle habitait. Je restai bien là une heure entière, mon imagination ne voyant qu’une silhouette en robe brune, qu’une lampe éclairant discrètement la courbe de la nuque, la main sur les barreaux, et l’ourlet de sa robe.

Quand je descendis de nouveau, je trouvai Madame Mercer assise devant le feu. C’était une vieille bavarde, la veuve d’un préteur sur gages, qui collectionnait les timbres usagés pour une œuvre pieuse quelconque. Il me fallut endurer ce bavardage autour de la table à thé. Le repas se prolongea plus d’une heure, et mon oncle n’arrivait toujours pas. Madame Mercer se leva pour s’en aller : elle était fâchée, mais ne pouvait attendre plus longtemps, car il était huit heures passé, et elle n’aimait pas à sortir trop tard, l’air du soir étant mauvais pour elle. Quand elle fut partie, je commençai à arpenter la chambre de long en large, en serrant les poings. Ma tante dit :

« J’ai peur qu’il ne te faille renoncer à cette foire, en cette nuit de Notre Seigneur. »

À neuf heures, j’entendis la clef de mon oncle dans la serrure. Il parlait tout seul, et j’entendis le portemanteau basculer sous le poids de son pardessus. Je pouvais interpréter ces signes. Quand il fut au milieu de son repas, je lui demandai de me donner l’argent pour aller à l’Exposition. Il avait oublié. « Les gens sont au lit, et leur premier sommeil est passé, dit-il. »

Je ne souris pas. Ma tante lui dit avec énergie :