Page:Les Écrits nouveaux, tome 1, numéro 2, 1er déc. 1917.djvu/42

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C’était à peine que le printemps me couvrait de ses feuilles craintives. Mes hanches étaient encore légères, et ma poitrine à peine arrondie. Mes mains aux doigts aigus portaient encore l’empreinte de l’enfance, et, tandis que tes bras alourdis de l’Amour tombaient comme des serpents morts sur mon corps qui l’ignorait, ma voix d’argent murmurait :

« Omrem miaï »
« Ma vie, viens. »

Et elle est venue vers moi, la Vie, la Belle rayonnante, parée de perles et de diamants, aux sourires changeants, aux pas légers de houri.

Et j’ai connu son corps fluide, ses baisers aigus, sa voix sonore.

Je l’ai connue, la Vie. Et voici, lasse et brisée de ses caresses, comme toi, je murmure :

« Merguem miaï »

Oh oui, viens, ma Mort, viens. Je te désire, toi, ma pâle Sultane aux nattes noires, aux yeux ternes et sereins des astres lointains, aux lèvres closes de sourire des idoles énigmatiques. Je te désire, toi, ma grave Sultane, éternellement silencieuse, l’Amante dévouée, l’Amoureuse fidèle.

Viens, ma Maîtresse, viens. Viens calmer ma bouche enflammée de ton baiser, de ton baiser unique, sacré et éternel, ô ma Mort, à désirée.


II

Je t’aimerai comme on aime les songes de l’enfance, songes purs, songes lointains, songes indécis.

Je t’aimerai comme aiment la Douleur, les sanglots, comme elle aime, l’automne qui pleure ses feuilles d’or du haut des voûtes attristées.

Je t’aimerai comme aiment les marins égarés les phares étincelants dans les nuits ténébreuses.

Jalousement je t’aimerai, comme les mères leurs enfants au berceau ;

comme les fleurs isolées et perdues les rayons du soleil ;

comme la mort les malades désolées.