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Page:Les Œuvres libres, numéro 14, 1922.djvu/332

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oui, terrible, monsieur Holmes, pour tous ceux qui l’entourent. Ses charités publiques ne lui servent qu’à masquer ses iniquités privées. La première de ses victimes fut sa femme. Il se conduisait comme une brute envers elle. Comment elle a trouvé la mort, je l’ignore ; mais j’affirme qu’il empoisonna sa vie. C’était, vous le savez sans doute, une créature des Tropiques, une Brésilienne.

— Ce détail m’avait échappé.

— Tropicale par la naissance, elle l’était par le tempérament. Le soleil et la passion lui brûlaient le sang. Elle avait aimé son mari comme savent aimer de pareilles femmes. On dit qu’elle avait été fort belle ; en perdant ses charmes physiques, elle perdit tout ce par quoi elle le tenait. Autant nous avions tous d’affection pour elle, autant, lui, nous le détestions, à cause de la manière dont il la traitait. Mais il est rusé, habile à mettre de son côté les apparences. Ne le jugez pas sur de faux semblants, c’est tout ce que j’ai à vous dire. Je m’en vais. Ne me retenez pas. Il ne peut plus être loin.

Sur ces mots, donnant à la pendule un regard effaré, notre visiteur courut a la porte et disparut.

— Eh bien ! fit Holmes après un instant de silence, M. Gibson me paraît avoir des serviteurs fidèles ! N’empêche que nous voilà prévenus. Attendons.

À l’heure dite, un pas pesant ébranla notre escalier, nous vîmes entrer le fameux milliardaire. Je compris, en le regardant, non seulement la terreur et l’aversion qu’il inspirait à son ancien régisseur, mais les malédictions que tant de financiers ses rivaux avaient accumulées sur sa tête. Si j’étais sculpteur, et qu’il me prît fantaisie de personnifier l’homme heureux en affaires, nerfs d’acier et conscience élastique, je choisirais