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Page:Les Œuvres libres, numéro 14, 1922.djvu/339

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assurer une existence heureuse et large, j’étais prêt à le faire.

— Je ne doute pas de votre générosité, ricana mon ami.

— Permettez, monsieur Holmes. Je suis ici pour une question de renseignement, non de moralité. Gardez vos critiques.

— Si je consens à m’occuper de cette affaire, c’est uniquement par considération pour cette jeune fille, répondit sévèrement Holmes. Ce dont on l’accuse n’est peut-être pas pire que ce que vous venez d’avouer, à savoir que vous avez tenté de déshonorer, sous votre toit, une jeune fille sans défense. Vous êtes ainsi quelques riches à qui l’on ne saurait permettre de compter toujours sur la coupable indulgence du monde.

Je m’étonnai fort en moi-même de voir le roi de l’or accepter sans protestation cette mercuriale.

— C’est ce que je me dis aujourd’hui à moi-même. Grâce à Dieu, mes projets échouèrent. Miss Dunbar repoussa toutes mes avances. Elle voulait fuir sur-le-champ ma maison.

— D’où vient pourtant qu’elle resta ?

— D’abord, elle avait des personnes à sa charge et il lui coûtait de les sacrifier en abandonnant sa place. Quand je me fus engagé par serment à cesser mes poursuites, elle consentit à rester. Une autre raison l’y décida : elle savait qu’elle exerçait sur moi une influence comparable à nulle autre, et elle pensait l’utiliser à de justes fins.

— Comment ?

— Voilà. Elle connaissait un peu mes affaires. Or mes affaires, monsieur Holmes, ont une ampleur que ne soupçonne pas le commun des mortels. Je fais et je défais à ma guise, – le plus souvent je défais, – non pas seulement les individus, mais les sociétés, les cités, les nations mêmes. Rude jeu que le jeu des affaires, et tant pis