Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sortilège de la science moderne ? Sa toison masquait-elle un accumulateur du fluide qui m’entraînait ; ou en était-elle l’accumulatrice elle-même ?... Je suis trop ignorant de ces choses pour oser risquer une hypothèse.

Nous parvînmes, après un temps très long, devant une large et froide façade aux lumières éteintes. Il y avait deux portes, une grande et une petite. Il ouvrit la moins importante, me poussa dans un parc où je distinguai vaguement une voiture funéraire, m’introduisit dans une bâtisse obscure, me fit monter un escalier où je trébuchais à chaque marche ; après quoi, soudain, une clarté magnifique inonda un somptueux cabinet de travail. Des bibliothèques couraient aux murs ; des tapis en haute lame éparpillaient mille fleurs ravissantes ; des meubles de prix, surchargés de papiers et de brochures, indiquaient l’effort d’un cerveau toujours en gestation ; des divans profonds, vêtus de zibelines, devaient parfois remplacer le lit. Il me désigna l’un de ces divans et, me tendant une boîte en laque dorée :

— Un cigare ?

Je n’avais pas à accepter. Il ordonnait.

J’allumai le cigare à la flamme d’un vieux briquet de tranchées dont il avait fait jouer le ressort. Était-ce la fumée ? Était-ce la fatigue ? Mes oreilles bourdonnèrent et je ne pus résister à un anéantissement qui m’étendit sur le divan, comme sous l’effet d’un coup de massue.


II


Quand je me réveillai, je n’étais plus dans le cabinet de travail du professeur Tornada. J’étais dans un lit que je pris d’abord pour le mien, au