Page:Les Œuvres poëtiques du sieur Bernier de la Brousse, 1618.djvu/196

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LXXIX.

C’eſt faillir grandement de penſer que noſtre ame
 En l’abſence de l’œil qui la domte en aymant,
 Recognoiſſe amoindrir ſon amoureux tourment,
 Et viue ſans ſoucy, ſans danger, & ſans blaſme.
Non, cela n’eſt point vray, ie le ſçay bien, Madame,
 Car ores eſlongné de mon contentement,
 Ton ſouuenir parfait me nuit plus durement
 Que ne fait pres de toy le doux traict qui m’entame :
Les bois n’ont peu cacher ſoubz leurs rameaux touffus
 Mes dures paſſions qu’ont cauſé tes refus,
 Bien que ſoubs ceſt eſpoir i’euſſe fuy ta preſence :
Las ! on ne peut forcer l’ordonnance des Cieux,
 Amour eſt inuaincu de tous temps, en tous lieux,
 Et par diuers effects nous monſtre ſa puiſſance.



LXXX.

Arbre qui lamentez la cruelle infortune
 De ce pauure garçon, qui trop audacieux,
 Dans le tour recourbé du grand plancher des Cieux
 Oſa pouſſer le char du frere de la Lune.
Plus ne pleurez ſa mort, plus grande eſt ma fortune ;
 Mais ſourcez auec moy vn fleuue de vos yeux,
 I’ay comme luy cheſtif ! viſité les hauts lieux,
 Et en bas comme luy ie reſents la mort brunes.
Les flots du Pau fameux n’ont cauſé mon deſtin,
 D’vne mer de malheurs i’ay eſté le butin,
 Sans pouuoir, ô Thisbée, euiter ta cordelle.
Phaéthon à deſſein bruſla tout, ſe bruſlant,
 Mais moy mis dans ton feu par ton œil violant,
 Sans auoir offencé tout malheur me bourelle.