Page:Les Œuvres poëtiques du sieur Bernier de la Brousse, 1618.djvu/215

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CXVII.


Amy puis qu’en ces lieux le ſort veut que ie meure,
 Mocqué, battu, pouſſé par mille vents diuers,
 Renuoyé ſans ſubject à cent monſtres peruers
 Comme vn Bellerophon bani de ſa demeure.
Si de mon amitié quelque choſe demeure
 Emprainte en ton eſprit honneur de l’Vniuers,
 Fais moy ceſte faueur qu’on liſe dans tes vers
 L’infortuné ſubject qui m’aduance mon heure.
Mais ſur tout cher amy, au peuple Noüaillois
 Deuot chante cecy au milieu de ſes bois.
 Ce Bernier qui iadis entonnoit voſtre gloire,
Par l’iniuſte rigueur des puiſſances des Cieux
 Se plonge volontiers au fonds de l’onde noire
 Pluſtoſt que de manquer au ſoleil de ſes yeux.


CXVIII. Dialogue,


le cor.

Paſſons dōc à ce coup le fleuue Acherotide,
 Mon ame qu’attends tu ? i’ay tracé le chemin :
 Voids-tu point à ſon bord ce vieillard inhumain,
 Qui t’attend de pied coy dans ſa nacelle avide ?

l’ame

Quoy mō corps, que dis-tu ? des tenebres cupide,
 Veux-tu contre le point du gracieux deſtin
 Cercher deſeſperé l’ornement Libitin,
 Auant qu’on nous appelle au regne Cocytide ?

le corps.

O mon ame il le faut, car viuant icy bas
 Ie meurs comme vn Tytie, & viuant ne meurs pas ;
 Mais ſi vn coup mes yeux peuvent voir Rhadamate

l’ame.

Ie regneray content ſoubs les bois amoureux,
 » Oüy mon corps, il est vray ; mais vn cœur genereux.
 » Roidit contre le fort tant plus il le tourmente.