Page:Les Œuvres poëtiques du sieur Bernier de la Brousse, 1618.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LXXXVII


DES-ja le Ciel prenoit ſa cappe noire,
 Le blond Soleil ſommeilloit ſous les eaux,
 Quand mon eſprit au fort de ſes trauaux
 Songeant, bruſlant, dreſſait ton corps d’yuoire.
Mais le pauuret ruiné pour le croire,
 Veid tout ſoudain au leuer des cheuaux
 Qui du clair Pau renomment les ruiſſeaux,
 Reduire en vent ſon plaiſir et ſa gloire.
Ce n’eſt pas toi ma belle que i’ay veu,
 Ce n’eſt pas toy qui m’as jette ce feu,
 Qui va bruſlant d’vne flameſche ingrate
Mon triſte cœur, tu as plus de douceur :
 Helas ! c’eſt toy, car ton bel œil vainqueur
 A nuict, & iour, la vertu d’Harmocrate.


LXXXVII


DEux beaux Soleils, deux Nymphes, deux Heleines,
 Ont autresfois paru dans l’vniners,
 L’vne en la Grece, & l’autre par ces plaines
 Où la Charante ondoye à flots diuers.
L’aueugle harpeur en ſes fureurs hautaines
 Pour la premiere enfanta mille vers,
 Et l’autre acquit poour faueurs ſouueraines,
 Du grand Ronſard les lauriers touſiours verds,
Vne autre encor eſt brillonnante au monde,
 C’eſt toy mon cœur, c’eſ toy ma belle Ronde,
 Dont la beauté rend leur luſtre desfaict.
Mais vn ſeul point eſt de manque à ta gloire,
 Car de mon luth l’air bas & imparfaict
 Ne tierce point ces deux fils de Memoire.