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Livre I. Chapitre IV.

peut bien moins monter à la grandeur de Dieu, que les ténèbres ne peuvent s’accommoder avec la lumière.

En effet, tout ce qui est sur la terre et dans le Ciel, si on le compare avec Dieu, n’est rien, comme Jérémie l’assure quand il dit qu’il a regardé la terre, et quelle était un vide et un néant ; qu’il a jeté les yeux sur les Cieux, et qu’il n’y avait point de lumière.[1] Il signifie par toutes ces expressions, que ni la terre, ni les créatures qu’elle soutient, ne paraissent qu’un rien devant Dieu, et que les Cieux, quoique brillans de lumière, ne doivent être estimés que ténèbres devant lui.

Nous pouvons donc inférer de là que les créatures considérées de cette sorte ne sont rien, et que l’amour qui nous unit à elles nous réduit à quelque chose de moindre que le rien, puisque c’est un obstacle à notre union avec Dieu, et une privation de notre transformation en lui ; comme les ténèbres ne sont qu’un rien, et qu’une privation de la lumière. J’ajoute que, comme celui qui est couvert de ténèbres ne reçoit et ne comprend pas la lumière, de même l’ame qui aime quelque chose de créé, ne pourra ni connaître Dieu, ni jouir de lui en cette vie par la pure transformation d’elle-même en Dieu, ni le posséder en l’autre monde par la vision béatifique. Pour faci-

  1. Aspexi terram, et eccè vacua erat et nihili, et cœlos et non erat lux in eis. Jerem. 4. 23.