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l’Inde, ne conquit point les faveurs de plusieurs jeunes hommes ?

— De quoi tu l’honores ! fit en riant Philomoros ?

— De quoi je l’honore !… Mais je n’invoque même pas son exemple. Je ne me soucie d’aucun exemple, je me contente de faire ce qui me plaît. Et moi aussi, comme la sage Myrrhine et vous tous, je crois que le monde va finir ! J’en conclus que ce que je fais ou ne fais pas n’a aucune importance. Et je dis que ce n’est pas de tout cela que meurt la foi aux Olympiens, mais d’une autre chose, probablement celle dont tu as parlé, Philomoros. Du reste, je m’en moque !… Mais ce que je prétends, et vous ne sauriez me contredire, c’est que la conduite des mortels ne prouve rien contre leurs doctrines ! Qu’importe que le monde sache, à n’en pas douter, que tels hommes sont des concussionnaires, des assassins, des débauchés, que telles femmes, qui se disent vierges, ont un amant ou dix amants ?… Qu’importe même que ces doctrines paraissent ruiner ce que vous appelez votre civilisation, si l’on se dit, en même temps : « Elles sont vraies ! » Ou même simplement : « Elles répondent à mon désir. » Nous sommes tous menés par des idées ou par des sentiments, non par des faits, quand même ces faits nous crèveraient les yeux et nous sembleraient révoltants. Voici ce que je dis : Vous me faites rire ; votre Pachybios est un imbécile !

À ce moment on entendit la voix apeurée des esclaves et le bruit lourd des caliges militaires. Ils dressèrent l’oreille, étonnés. Myrrhine sentit comme un grand froid par tout le corps : jadis elle avait appris à distinguer le pas des station-