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ne croyais, et plus ignorant ! N’as-tu pas entendu que cette fille est de condition noble ? De quel droit prétends-tu envoyer au bordel une femme libre de son corps ? Cela ne se peut que pour les esclaves, et encore, si je le faisais, je me considérerais comme un coquin. Il est vrai que je ne suis qu’un homme ordinaire, et non pas un imbécile de gouverneur.

Sans s’émouvoir, cette fois, Pérégrinus avait levé les yeux ; et reconnaissant à qui il avait affaire, éclata de rire :

— C’est toi, Cléophon ? Toi dont on ne saurait dire, comme de Julius Cœsar, que tu es la femme de tous les maris, et le mari de toutes les femmes ; car il n’y a que la première partie de la phrase, à ton égard, qui soit exacte… C’est toi qui te poses en défenseur des vierges ?

Cette vieille plaisanterie amusa la populace. Cléophon, interdit, balbutiait. Les légionnaires, serrant leurs épaules d’un bloc et s’approchant de lui, le jetèrent au bas des degrés.

— Conduisez cette femme où j’ai dit, commanda Pérégrinus, d’un air excédé… À une autre, la nommée Myrrhine ?…

— Que ta Grandeur, prononça Philomoros, écartant Théoctène, me permette de prendre devant toi la défense de cette femme. Il n’y a du reste que peu de mots à dire : l’erreur est évidente. Myrrhine est une ancienne esclave d’Aphrodite, une courtisane sacrée. Son jeune corps, dès son enfance, a célébré les rites les plus chers à la Grèce, les plus vénérables aux yeux de l’honnête homme. Si la Grande Prêtresse n’est pas ici pour réclamer Myrrhine, c’est que celle-ci a été rachetée par Théoctène, noble de Corinthe, citoyen romain, qui est à mes côtés, et son amant. Un enfant de deux ans, dans cette ville, en connaît plus que cette petite fille sur les mystères des chrétiens. Elle ne sait que faire