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rait m’acquitter de mon crime. Souffrir et mourir n’est qu’un noir et profond délice. Il faut encore que tu me pardonnes.

— Si Théoctène te pardonne…

— Théoctène ?… Mais il est mort !

Myrrhinc n’eut pas un cri. Elle devint toute blanche.

— …Comment, tu ne savais pas, on ne t’a rien dit ? On l’a tué le jour même que tu passais devant le tribunal…

Myrrhine lui enfonça ses dix ongles dans les joues.

— Te pardonner ! Te pardonner ! Tu l’as tué, et tu veux que je te pardonne !

Elle s’acharnait, regardant couler le sang avec une avidité forcenée. Sans se défendre, Ordula levait la tête vers elle, comme ressentant, à se laisser déchirer, une abominable joie. Elle disait seulement, écartant les mains de son corps, offrant son visage à de nouvelles lacérations : « Oui, c’est cela, c’est cela… c’est ce qui doit être ! »

Aristodème l’arracha des mains de Myrrhine. Il croyait distinguer les heureuses conséquences de cette révélation ; il s’en applaudissait, n’ayant point de méchanceté dans l’âme. Il souhaitait que Myrrhine s’abandonnât à lui, la trouvant désirable, mais jugeait affreux qu’elle pût périr, entraînée dans un conflit absurde, qui ne lui était de rien.

— Comprends donc, cria-t-il, comprends donc ! Tout s’explique, à cette heure, tout est clair. Puisque Ordula s’est déclarée chrétienne devant les magistrats le crime dont elle s’est rendue coupable à ton égard…

— Je l’ai déjà proclamé, dit Ordula, avant d’entrer ici.

— Tu seras libre, alors, Myrrhine !

Aristodème ajouta malgré lui :