Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle s’écria même :

— Je vous ai fait mal ?

Mais l’autre, à peine relevée, lui fit mal à son tour : d’un furieux coup, en plein nez, dont Germaine saigna.

Auquel coup Germaine riposta furieusement. Et cela continua comme de règle : par des griffures et des morsures ; par des coups de pieds, de poings et de genoux ; par des cris, des pleurs, des grincements et des hurlements ; par une double étreinte enfin, au bout de laquelle Grace Ashton, plus faible, fut terrassée, et Germaine Francheville l’emporta.

Ces dames, ainsi confondues, par terre, l’une dessus, l’autre dessous, n’usèrent alors, d’ailleurs, d’aucune modération.

Grace, abîmée, impuissante, cria du fond de sa haine :

— Saleté ! fille !

Cependant que Germaine, triomphante, mais essoufflée, lui renvoyait :

— Ordure ! traînée !

Mots que ni l’une ni l’autre n’avaient peut-être, de leur vie, prononcés… mais qu’elles avaient probablement lus, — lus dans ces très vilains livres, et plus ineptes encore que vilains, qu’on nomme à Paris livres belges, et à Londres livres français ; — livres qu’on devrait, d’ailleurs, nommer partout, livres allemands ; car ils le sont.

Sur quoi, reprenant haleine, la victorieuse, qui tenait à deux mains les deux poignets de la vaincue, et l’écrasait par surcroît d’un genou au ventre, gronda :

— Tu as eu ton compte, hein ? — elle haletait encore ; et de grosses gouttes de sueur perlaient à son front, cruellement égratigné ; — tu as eu ton compte ? si je te lâche, seras-tu sage, et t’en retourneras-tu à la caverne, sans t’inquiéter de moi, et sans revenir ?