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ou « Je veux votre vie, je l’aurai ». Quoi d’impossible ? Ce sont là des hypothèses que l’on peut faire sans folie, lorsque l’on se rend compte de l’état de dépérissement croissant de la petite victime, dans les mois qui vont suivre.

Mais il est compréhensible que son cas ait semblé hien obscur à nne époque où esl études de Charcot n’avaient jeté aucune lumière sur ces affections mystérieuses, dont on confondit si longtemps certains phénomènes avec l’influence du Malin, la sorcellerie, etc…

Les recherches du marquis de Puységur au xviiie siècle, L’Histoire du magnétisme animal, de Deleuze, qui parut en 1813, ne sont que des travaux de début ; le rapport de Husson, déposé en 1831 à l’Académie de médecine, ouvrit véritablement le chemin à la science future. Mais, en 1824, la thérapeutique des affections nerveuses est encore dans la nuit.

En admettant, d’ailleurs, que les médecins qui soignèrent Mme du Launay eussent deviné le mal dont elle souffrait, ils ne purent le connaître tout entier, puisque, bien certainement, elle leur tut, ainsi qu’aux siens, le mystère qui planait sur sa vie. Ils comprirent peut-être sa névrose, mais ils ignorèrent toujours la source et la profondeur du mal — il n’y a, pour en être convaincu, qu’à jeter les yeux sur leurs ordonnances, où il n’est question que de « consomption ». Mme du Launay elle-même démêla-t-elle quelque chose à la nature de son mal ? Cela est douteux. Nous savons que les phénomènes dont elle souffrait jadis sont établis maintenant à l’état chronique : palpitations, maux de tête, etc…

Pendant l’année qui suit, son attitude est résignée, sa douceur, comme d’habitude, extrême ; elle sourit rarement, semble toujours absorbée par une vision intérieure, ses grands yeux bleus ne perdent presque plus leur fixité, ses prunelles