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nait, non dans de mauvaises affaires, mais par sa propre faute, l’amour ou le jeu étaient presque toujours les artisans de son malheur. Une « artiste » ou une professionnelle avait rongé de ses petites dents inlassables la fortune du pauvre monsieur. Cependant l’épouse vivait obscurément dans son intérieur, économisant pour atténuer l’effet des folies de son mari et les filles menaient sous la tutelle de la mère une existence de frugalité monacale.

S’habiller simplement était un signe de distinction sociale. Les bijoux trop voyants, les robes originales, les gaspillages semblaient constituer le honteux apanage des « artistes », des demi-mondaines, de toutes ces créatures brillantes, dangereuses et éphémères, qui se maintenaient en marge de la haute société. L’honnête femme, la mère de famille, devait être économe, modeste, terne et s’efforcer d’épargner dans le ménage pour qu’au dehors le mari pût dépenser sans compter. Les ailes de papillons étaient bonnes pour les « mauvaises » femmes, pour les créatures versatiles et folles qui ne songent qu’à voltiger autour de la flamme où elles finissent par se brûler.

Parmi les hommes, beaucoup menaient une existence comparable à celle des antiques Athéniens, qui rendaient assidûment visite aux hétaïres à la mode pour discourir avec elles de l’amour, des merveilles de l’art, du luxe, tandis que l’épouse légitime filait dans le gynécée, veillait à la bonne tenue des enfants, et dirigeait le travail des esclaves.

Mais la femme moderne se rendit compte un jour qu’en demeurant « respectable » elle se mettait en état d’infériorité et qu’il n’était pas juste que l’homme se montrât parcimonieux dans son foyer et follement généreux avec des femmes rencontrées au théâtre ou dans la rue.