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appris qu’il n’y avait rien au-dessus de la Religion.

— Je n’en dis pas de mal : je lui dois ce que j’ai de mieux. J’étais cependant d’une famille où personne n’a jamais cru : j’en ai reçu un enseignement moral très solide auquel le Catholicisme n’a rien ajouté, mais il a enveloppé ma morale — et ce que l’on appelle les idées sociales — de charité, de la poésie qui leur donne en quelque sorte la divinité, et donc la vie.

Il regarda la jeune fille en riant de soi :

— Si vous saviez quel ange j’ai été le jour de ma première communion, comment vraiment je suis monté au ciel en prenant l’hostie !

Il se tourna vers Fresnois :

— Il n’y a pas de meilleure préparation à l’amour et à la création. On est incapable d’aimer plus tard, avec le sentiment ineffable de ce qu’il y a de sacrement dans le mariage, si l’on n’a pas fait une première communion avec le don éblouissant de sa naïveté.

— Donc Napoléon, risqua Solange, avait raison quand il disait que c’était le plus beau jour de sa vie ?

— Oh ! repartit plaisamment Daniel, il peut y en avoir ensuite de plus radieux encore pour les privilégiés !… Mais pour Napoléon, ce dut être vraiment le plus frappant : songez que c’est le jour où même les plus orgueilleux deviennent humbles. L’humilité est le grand sentiment artistique, celui par lequel on devient un simple et pur miroir devant le paysage ou devant la personne qu’on trouve beaux, qu’on aime.

Solange écoutait avec docilité.

— Alors, demandait-elle, un romancier n’aime que ce qu’il trouve beau ? Il n’écrit que quand il tombe amoureux ?

— Oh non ! et même, le pauvre diable, quand il tombe amoureux — comme vous le dites si bien,