Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/206

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vallon sombre, se dressait une colline de champs emblavés, terreux, d’un or cru. Au-dessus, les premières montagnes déployaient des ailes de volatile ardoise. Les plus hautes se saupoudraient d’une neige argentée. C’était cette lumière particulière d’Auvergne, si fine, si suave, brouillée et pure, éthérée, qui semble de la brume liquéfiée dans le ciel bleu et retombée en rosée sur les cimes. En nuls pays de montagnes on ne se sent autant dans l’irréel, dans un monde au-dessus de la terre ordinaire qui est au niveau de la mer.

La paresse, le beau jour, de blessants rayons l’étourdissaient. Il se décida à rejoindre Fresnois qui peignait sous les châtaigniers devant la colline immortelle.

En l’entendant venir, Fresnois ne bougea point, continua de peindre, tout en bercement, absorbé.

Quand à petits pas il fut arrivé près de son ami, Daniel vit que, dans l’ombre d’un tronc Solange était assise, et brodait.

Elle ne le regarda point.

Ses cheveux étaient rosés par des taches de soleil. Son profil se dessinait sur le champ de blé étincelant. On qualifiait, de suite, son visage de français. Pourquoi ? Par la bouche et les yeux : ouverts ; francs et offerts ; lèvres aimablement charnues, sans vulgarité.

Beaucoup de feu contenu dans cette tête penchée. À quoi pareil jeune être pouvait-il bien penser ? Était-elle cultivée, tenant de son frère ou de son père ?

Elle leva la tête et lui sourit avec innocence. Il fut calmé. Elle se remit à broder et semblait réfléchir à lui. Elle rejeta sa broderie ; leurs regards, puis leurs prunelles se rencontrèrent. Il lui fut alors évident qu’il désirait qu’elle le regardât encore : … pour mieux voir ses yeux —