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parents ont raison, que j’étais fait pour autre chose qu’entrer dans des bureaux d’administration. Alors, vous, vous ne trouvez pas que je devrais savoir prendre sur moi et attendre plusieurs années, ce qui me permettrait de choisir une carrière plus attachante ?

— Vous me prenez au dépourvu… Eh bien non ! attachez-vous au plus tôt à votre rêve pour ne pas le perdre. Combien d’entre nous deviennent des ratés pour avoir laissé échapper leur premier rêve ! — qui est toujours le plus beau de tous… Évidemment, l’existence ne vous sera pas très facile, mais tout devient aisé pour ceux qui ont de la simplicité ! Puis l’homme est fait pour s’attaquer aux tâches rudes : il faut être ambitieux. Cette première audace de former si jeune votre vie vous entraînera à d’autres nobles ambitions : il en faut en France.

Ils s’arrêtèrent pour regarder, en relief sur le ciel, des paysans labourant la courbe d’une colline. L’on entendait partout le bruit des charrues et la voix des femmes derrière les bêtes. Des aboiements de chiens ramenaient les bœufs au galop.

— J’avais cru que vous condamniez l’ambition.

— Oh ! cent fois non ! Évidemment, elle durcit vite le jeune homme quand il ne l’applique qu’à son avenir personnel ; mais elle assouplit et fortifie celui qui la fait servir à créer une famille. Vous verrez quelle confiance elle inspire, et alors quelle solidité et quelle envergure ! Comprenez donc : il faudra bien un jour être admiré de votre femme pour que la fidélité lui soit une joie, et donner l’exemple à ceux qui seront nés de vous, de votre décision !

Marc l’écoutait, émerveillé par cette parole qui si simplement s’élevait devant lui, qui si fermement prenait de la réalité commune son essor vers une vie d’élection. Cet homme encore si