Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/224

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les partagea entre Marc et lui. Il sourit âprement.

— Mais qu’est-ce qu’il y a ? Qu’avez-vous ?… Je sens que vous vous contenez !

— Pas du tout, accentua-t-il en domptant son visage. J’aime ces fleurs modestes.

Marc, qui s’était retourné, le scruta de ses yeux francs : Daniel se reprocha de dissimuler, car, au contraire, tout le blessait de plus en plus, il lui semblait, à mesure qu’ils descendaient vers la claire vallée, s’enfoncer vers une tristesse plus aiguë. Il était révolté d’être malheureux alors qu’il eût pu jouir !…

Mais la route surplombait une vallée nouvelle, fascinante de légèreté sous un lourd archipel de cumulus neigeux. Lui-même, volontairement, les appela :

— Oh, regardons ensemble comme c’est admirable ! Je veux chercher avec vous ce qui m’émeut dans ce paysage… Eh bien ! ce doit être de ce que sa musique n’est plus faite de ses propres lignes, comme à ciel pur, mais du dessin surnaturel de l’ombre et de la lumière : il en résulte une splendeur toute mobile qui vous balance éperdûment dans l’insaisissable…

Il ne put s’empêcher de s’écrier :

— Ah ! c’est en cela qu’un paysage vous fait du bien : on se rappelle comme on est soi-même tout nature… comme il serait bon de s’y fondre !

Solange se tourna avec joie vers sa bouche ardente :

— Oui, c’est enchanteur !… Quel dommage que Justin ne soit pas venu, lui qui aime à peindre la Terre sous une brume bleue ! Il est si fort et il me semble que tout ce qu’il fait est trop tendre !

— J’avoue, posa Marc, que je ne comprends pas ses tableaux.

Il avait parlé en cherchant l’acquiescement de