Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

milieu de vous très heureux ! prononça Fresnois avec mystère.

Doucement il avait glissé le bras autour de la taille de Solange ; de l’autre côté, enserrant Daniel, il le pressa contre lui.

Mais, soudain, tout surpris :

— Et Marc ?… Il ne revient pas.

Aussitôt, par l’espace, il cria :

— Belléni ?… Belléni !…

Dans la Montagne brumeuse rien ne répondit.

Août

Vingt fois Daniel s’était forcé à se rasseoir sur la roche et bientôt s’était relevé, avait marché. Il regardait devant lui le paysage immortellement bleu : immense concavité du ciel, horizons bas et pâmés, monts très lointains émergeant à peine à l’arrière des crêtes de blé azurées par le reflet de l’espace. C’était neuf heures de l’été, un jour sans buée, et les champs se présentaient là, avec égalité dans un entrecoupement large de lignes rondes si heureusement proportionnées à la courbe unique du ciel — trois ou quatre fois plus spacieux que chaque champ — que ce raccourci du monde avait quelque chose d’auguste !

Sur le tertre modéré, un châtaignier, chargé de fleurs et d’odeur, se suspendait, isolément, au-dessus du pré étroit ; dans son ombre soyeuse, un bœuf dormait impondérablement ; plus loin, en quelque pli des emblaves, un bouquet de chênes recouvrait juste le groupe de maisons verdies ; deux nuages allongés protégeaient les formes analogues d’une colline.

Daniel regardait, regardait, — voyait, il sentait la sublimité de la nature, et son bienfait au-dessus de l’amour des hommes. Elle semblait être si belle qu’elle voulût qu’on s’enfonçât en