Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/238

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amour trop rapidement jailli : il se sentait brisé et humilié de voir souffrir un si bel être ! Il lui saisit le bras comme s’il fût son frère :

— C’est vous qu’elle aime et qu’elle épousera. Je vous promets que rien ne sera détruit de vos projets.

— Ah ! fit-il excédé, on m’a abîmé la campagne : moi qui étais venu pour être heureux !… j’adorais les promenades, je les déteste.

Daniel apercevait autour d’eux les champs éblouissants de fleurs blanches, les collines bleues sur le ciel, le soleil si chaud dans l’espace : il était anéanti.

Il ne pouvait admettre que la fatalité l’eût jeté dans pareil enchaînement !

Et maintenant qu’il s’était lié par les promesses faites à Marc en le découvrant si malheureux,… maintenant qu’il le voyait déjà confiant et bientôt près de sourire, il sentait de nouveau avec quelle frénésie mystérieuse il aimait Solange : et il était désespéré !

Marc était parti. Solange arrivait sur la route. Il alla au-devant d’elle, sans vouloir réfléchir :

— J’ai dû décider de rentrer à Paris !

Elle ne fit pas un mouvement, toute pâle, comme si elle cherchait d’abord à comprendre. Et il en profita pour s’éloigner, balbutiant :

— Je vous reverrai au déjeuner.

Il erra à travers les champs, piétinant dans la boue. Les éteules s’écrasaient sous ses pas. Le soleil étirait de la terre, trempée par la pluie de la nuit, une vapeur aveuglante. Et maintenant qu’il était seul, sa tristesse bouillonnait en révolte : contre tout et contre soi. Il ne pouvait plus se raisonner. Son cœur ne pouvait pas re-