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siaque de se quitter, de rêver. Une intime mélancolie, comme une pudeur d’adoration physique, les pénétrait et engourdissait. Sans rien dire, il prit son chapeau tombé sur l’herbe, de la main rajusta ses cheveux, alors ils songèrent ensemble à regarder vers la maison s’ils n’étaient vus pour, une dernière fois, s’embrasser craintivement.

Appel

À son hameau des Aubades Marc rentra par le chemin des amoureux, celui que suivaient toujours les écoliers du village voisin.

Avant que la grand’route ne fût construite par la plus large courbe de la vallée, les primitifs avaient taillé dans la bruyère et le roc un sentier tout droit à travers lande et croves, cascadant puis grimpant parmi les ronces, les pierres tranchantes, les épines et les fleurs sauvages. À huit ans, à vingt, à quarante, c’est celui qu’on aime prendre : on se trouve au-dessus du paysage et à l’entre-seins de la campagne, on saute au plus vert du val et l’on se hisse au bleu de l’horizon. Sous les pas fleurit l’églantine, la bruyère rose s’offre aux aisselles des roches, la rosée emperle encore à midi le secret amoureux des ravins. Le sol de la sente même est adorable comme le caprice, durci et velouté par le pas des petits bergers, des filles et des hommes à l’heure de poésie de leur vie.

Cependant Marc se sentait absorbé et inquiet… C’est qu’il avait un compagnon ! À chaque détour, le visage, une expression différente mais toujours aussi vive, de Daniel Vernalle, se présentait, lui « apparaissant » comme