Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/273

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Il déplia, lut, silencieux, baissa la tête… relut, replia la dépêche et la serra dans son gousset. Solange, haletante, le regardait, n’osant interroger. Curieusement il sourit, — sans davantage parler. Puis, le visage fier, ensanglanté d’une joie barbare qui l’étonnait lui-même, il se leva dans la force de son corps musclé et indépendant :

— La sœurette, s’écria-t-il : fini les vacances ! Ce soir on ferme la maison de la Montagne. Demain je te dépose à Clermont et je file sur Paris.

— Qu’arrive-t-il donc ? fit Solange. Tu oublies que Marc revient demain !

— Soit ! on attendra le Jeune Homme : tu as raison. Il ne faut d’ailleurs jamais céder trop vite à l’événement.

— Mais quel mystère encore, Justin ? Pourquoi nous sauver si… tôt ?

Persifleur, il l’examinait, se demandait s’il devait lui lire la dépêche :

« Beau garçon né ce matin »

mais il dit seulement avec suavité :

— Parce qu’il le faut, petite sœur

Et il l’embrassa avec une allégresse mystique.

Quand Solange, à l’angélus de midi, revit Marc qui s’avançait sous son feutre noir liseré de soleil et, au lieu de courir, venait à elle en la contemplant lentement, son âme resta peureuse et éblouie : elle le trouvait trop beau, plus beau encore qu’elle ne se le rappelait !

De ses yeux se projetait l’ardeur d’une nouvelle expérience.

Vite elle frappa sur le gong et Justin les rejoignit.