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Mes rencontres

avec Raspoutine[1]


Choses vues
(Journal de Mme E. F. Djanoumova)
Traduction de M. André Pierre

15 Mars 1915.

Un malheur inattendu nous arrive. Je reçois une lettre de ma sœur. Elle m’écrit que l’on veut arracher notre mère à sa famille et l’envoyer dans un camp de concentration. Je ne puis m’imaginer qu’elle puisse vivre loin des siens, tout à fait seule. Elle est déjà âgée et a besoin de soins. Quelle chose cruelle et incompréhensible que la guerre ! On apporte sans cesse des victimes au monstrueux Moloch. On s’est souvenu tout d’un coup que notre mère est de nationalité allemande, elle qui est née en Russie, et on veut l’obliger à quitter Kiev où elle a vécu des dizaines d’années. Nous sommes tous terrassés par le chagrin. Ma sœur de Moscou est menacée du même sort. On a expulsé son mari.

  1. Copyright by E.-F. Djanoumova, 1923. Tous droits de traduction, adaptation, reproduction et représentation réservés pour tous pays. Le texte russe a paru dans les Sovremennya Zapiski (Annales Contemporaines), revue publiée à Paris.