Alina. — Jamais.
(On entend au dehors les cris des enfants qui jouent au tennis. « Play ! » « Ready ! » « Out ! »)
Maria, entrant. — Bonjour. Es-tu content de ton voyage ?
Nicolas. — Très content. Je ne t’ai pas éveillée, ce matin ?
Maria. — Non. Pourquoi prends-tu ton thé froid ? À propos, tu sais, les Tcheremshanoff arrivent tout à l’heure.
Nicolas. — Ah bien ! si cela te fait plaisir, c’est parfait.
Maria. — Mais oui, je les aime bien.
Alina. — Nicolas a quelque chose à te dire. Je vais aller regarder les joueurs de tennis. (Un silence. Elle sort.)
Maria. — Oui nous avons besoin de parler.
Nicolas. — En effet, je voulais te dire…
Maria. — Quoi donc ?
Nicolas. — Non, parle, toi.
Maria. — C’est à propos de Stepa. Il faut bien prendre une décision.
Nicolas. — Cela ne me regarde pas. Qu’il fasse ce qu’il veut.
Maria. — Voyons. Tu sais qu’il veut s’engager comme volontaire dans la garde impériale. Ton autorisation est nécessaire. Et puis il doit s’entretenir et tu ne veux rien lui donner.
Nicolas. — Je t’en prie, sois calme. À mon avis celui qui s’engage au service militaire de son plein gré commet un acte stupide, insensé : il agit comme un sauvage s’il ne comprend pas l’horreur de cet acte ; s’il agit par calcul, alors, c’est une lâcheté.
Maria. — Maintenant, tout te paraît stupide et sauvage. Pourtant il a besoin de vivre, ce petit. Tu as vécu.
Nicolas. — J’ai vécu parce que je ne comprenais pas, parce que personne ne m’avait dit. Mais il ne s’agit pas de moi. Il s’agit de lui.