Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/135

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Nicolas. — Eh bien ! tu peux te rassurer. S’il me ressemble, il ne commettra pas d’actes dangereux. Il raisonne d’une façon et il se conduira d’une autre. Regarde-moi : je me répète que mon devoir serait de quitter cette molle existence pour suivre le Christ, et cependant, je reste ici, dans le luxe. Je me dis que c’est humiliant et stupide. Je rougis de donner ce démenti à mes pensées. Boris fait comme moi, sois en sûre. Il flétrit le métier de soldat et il sera bientôt gradé.

Luba. — Non ! non !

Nicolas. — Tu le crois plus héroïque que ton père ?

Luba. — Je crains aussi toujours que tu ne nous abandonnes, je serais si malheureuse !

Nicolas. — Ma petite fille, je suis incapable de cet effort sublime.

Luba. — Je me dis en effet qu’il y a des liens qui te retiennent ici…

Nicolas. — Il y a surtout la confiance que tu as en moi. Je n’ai pas le droit de te quitter, puisque tu crois en moi.

Luba. — Mais Boris…

Nicolas. — Il sait que tu l’aimes.

Luba. — Et s’il voulait grandir pour être plus digne encore de cet amour ? Des jeunes gens ont accepté le martyre, parce que quelqu’un dans la foule les regardait.

Nicolas. — Il ne faut pas… Il ne faut agir que par une conviction sacrée. Il ne faut se laisser aller que si l’on se sent clairement appelé…

Luba. — Et s’il entendait cette voix surhumaine, effrayante

Nicolas. — Alors, ma chérie, tu devrais te réjouir…

Luba. — Non ! Non !

Nicolas. — Il va s’accomplir une des plus grandes œuvres divines. L’homme qui est choisi pour l’accomplir porte un terrible fardeau. Il ne faut point le