(Le père Guérassime porte la croix et l’Évangile. — Le secrétaire lui demande sa bénédiction.)
Le père Guérassime. — Comment pouvez-vous donner tant de mal à vos supérieurs en refusant de faire votre devoir de chrétien, en refusant de servir le tzar et la patrie ?
Boris, souriant. — C’est précisément mon devoir de chrétien que je veux faire, et c’est pourquoi je ne veux pas être soldat.
Le père Guérassime. — Pourquoi pas ? Il est dit : « Celui qui donne sa vie pour les autres, celui-là est un véritable chrétien. »
Boris. — Oui, celui qui donne sa vie, mais non pas celui qui prend la vie des autres ; c’est précisément ce que je veux : donner ma vie.
Le père Guérassime. — Vous ne raisonnez pas bien, jeune homme. Jésus-Christ a eu une parole pour les guerriers…
Boris, souriant. — Oui, même dans ces temps-là les soldats pillaient et il le leur défendit.
Le père Guérassime. — Pourquoi donc ne voulez-vous pas prêter serment ?
Boris. — Vous savez que l’Évangile le défend.
Le père Guérassime. — Pas du tout. Quand Pilate dit : « Je t’adjure par le Dieu vivant, es-tu le Christ ? » Notre Seigneur Jésus-Christ répond : « Tu l’as dit. » Donc, il admet le serment. Le serment n’est pas défendu.
Boris. — N’avez-vous pas honte ? Vous, un vieillard !!
Le père Guérassime. — Ne vous obstinez pas, je vous le conseille. Nous ne changerons pas le monde. Prêtez serment, et vous serez tranquille. Si c’est un péché ou non, remettez-vous en à l’Église.
Boris. — À vous ? Mais n’avez-vous pas peur de prendre tant de péchés sur vous ?
Le père Guérassime. — Quels péchés ? J’ai été élevé dans la ferme croyance, j’ai vécu trente ans dans le sacerdoce, il ne peut y avoir de péchés pour moi.