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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

— Oh non, cette somme provient d’une vente de terrains. Les livres, vous savez…

Il approuva, haussant encore les épaules. Puis légèrement :

— Qu’en faites-vous ?

— Je me le demande. Croyez-vous, Guy, que je puisse vous les confier ?… La succession ne s’apercevra-t-elle pas qu’ils manquent ?…

— Il peut y avoir eu des paiements à faire… Et puis, vous aurez tant de frais personnels, ma pauvre Lulu !…

— C’est vrai. Du reste, je n’ai pas de scrupules. Il liardait tellement !…

L’homme empocha le paquet et mon dégoût fut total. J’étais, sur ces questions d’argent, d’une probité pointilleuse. Un sou me pesait comme un louis, quand il appartenait à autrui. Je savais, sans gaspiller, me montrer généreux et Lucienne plus que toute autre, m’avait connu sous ce jour. Je liardais !…

Tandis que je remâchais ma rancœur, ils achevaient leur besogne.

— Rien, absolument rien !… se dépita le beau Guy. Mais n’existe-t-il pas d’autres endroits où il aurait pu le déposer ? N’a-t-il pas un coffre dans une maison de crédit ?

— Si, en effet.

— Nous y passerons au début de cet après-midi, avant vos courses. Espérons que nous y trouverons quelque chose. Autrement…

Il termina sa phrase par un geste navré. Et pareille inquiétude se manifesta chez Lucienne.

Mais ils dressèrent l’oreille. On introduisait au salon. Ils se hâtèrent de rentrer les papiers, de refermer le meuble. L’homme en garda la clef.

Ils finissaient, quand un coup discret, frappé du côté du couloir, alarma Lucienne.

— Si c’est quelqu’un, tu es les Pompes Funèbres… prévit-elle, en repoussant le gredin dans mon cabinet de travail.