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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/286

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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

oui, l’un d’eux… je lui demanderai seulement de ne pas m’en séparer !… Ce sera si doux !…

Ô pure joie de l’abnégation ! elle ne pleurait plus, elle souriait même à son rêve de sacrifice. Bientôt, l’espoir la dompta plus encore que la fatigue. Elle s’endormit, à genoux, la tête sur mes draps, ne cessant de réunir dans sa main posée sur la mienne munie du Crucifix, ces deux puissances, l’humaine et la divine.

Bercé comme elle par la douceur des jours attendus, mon cerveau confiant se laissa gagner par le sommeil.


CHAPITRE VIII

Mon troisième jour, l’aube de ma résurrection !… Le glas s’éloigne, un carillon le remplace ! Les portes de la nuit vont s’ouvrir sous la poussée de Tornada, l’exorciseur magnifique !

Il va venir. Je l’attends, depuis mon réveil, depuis cinq heures du matin, moment où la Vestale dénoua nos mains et s’en fut vers Ninette. Je l’attends. Il va venir rattacher la trame. Il est le sorcier. Il est le Messie. Il glissera sous ma peau sa liqueur magique, un seul gramme de son 444. L’épreuve m’aura été cruelle, mais je me lèverai, en justicier !…

Je l’attends, la pendule a déjà égrené sept coups. Le voilà qui en distribue huit. La rue d’abord, la maison ensuite, s’emplissent de bruits ménagers. Ils sont ma torture de chaque matin, mais je les bénis aujourd’hui. Ils se mêlent aux cloches joyeuses qui tintent dans ma tête. Ils célèbrent, eux aussi, ma délivrance !…

À neuf heures, Tornada n’était pas là. Je m’en serais étonné, si je ne l’avais su aux prises avec Vénus.

À dix heures enfin, il fit irruption, en proie à une agitation centuplée. Jamais je ne l’avais vu aussi tiquant, aussi grimaçant. Sous sa longue barbe tortillée,